Coincidences, suivi de Rigor mortis by Brigitte Aubert

Auteur:Brigitte Aubert [Aubert, Brigitte]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2020508427
Éditeur: Seuil

Quelle heure est-il ? Cette fille, morte, dans ma salle à manger, c’est moi qui l’ai tuée. Je l’ai étranglée. Elle s’appelle Lea, elle a une famille, un petit ami. Elle est morte, elle commence à puer, ce n’est pas ma fiancée, c’est un cadavre. Un cadavre. On ne doit pas tuer les gens. On ne doit pas jouer avec les cadavres. On ne doit pas les aimer. C’est sale. On ne doit pas les toucher, les embrasser, se serrer contre eux. C’est mal. Mal. J’ai mal.

Je a mal.

Mardi 15 juillet

9 h 10

« Andréa, du courrier pour toi !

— Merci, Fab… Oh ! Bon Dieu, merde !

— Qu’est-ce qu’il y a ? Des mauvaises nouvelles ? T’es toute blanche.

— Passez-moi l’OPJ Carelli, s’il vous plaît, c’est urgent. De la part d’Andréa Estevez.

— C’est quoi, une photo ? Je peux regarder ? Oh putain ! Oh putain !

— Ta gueule, Fabienne ! Jean-Paul ? Écoute, je viens de recevoir une photo. Un Pola. En couleurs. C’est Lea McGilly, Jean-Paul. Elle est morte ! Elle est assise dans une foutue cuisine, et elle est morte !

— Bouge pas, on arrive. Surtout, ne laisse personne toucher à cette photo. Compris ?

— Compris.

— C’est quoi, ce bruit ?

— C’est Fabienne qui dégueule, elle a voulu regarder.

— C’est si moche que ça ?

— Il l’a torturée… Elle… Je…

— OK, calme-toi, on vient. »

13 heures

« … Disparitions d’étudiantes : nous apprenons à l’instant de source sûre que la jeune Lea McGilly, disparue il y a dix jours, serait très probablement décédée. Une photo de son corps serait parvenue ce matin à la rédaction du quotidien Paris-Une. Les services de police concernés enquêtent sur l’authenticité du document. Authenticité qui confirmerait malheureusement la thèse d’un sadique à l’œuvre en plein Paris… Radio-Plus, toute l’info sur l’info ! »

Sadique… « Sadique » est un mot inadapté. Elles partent sans s’en rendre compte, elles partent dans leur sommeil, la tête pleine de rêves et de champagne. J’essaie de ne pas les faire souffrir. Je ne veux pas qu’elles éprouvent de peur ou de douleur. Je veux juste les avoir à moi. Près de moi. Avec elles, je n’ai pas besoin de tricher. Elles ne me font pas peur. Elles ne veulent pas m’obliger. Avec elles, mon corps réagit. Mon corps les aime. Comme un chevalier aime sa dame.

17 h 30

« Résumons-nous : d’après le labo, il ne s’agit pas d’un trucage. C’est une vraie photo.

— Est-ce que la fille pourrait être maquillée en morte ?

— Tu as vu ses yeux, Marco ? La couleur de sa peau ? On dirait qu’elle pue même à travers le papier. Le légiste pense qu’il s’agit bien d’un cadavre.

— Ce salaud a dû la torturer pendant des heures… Regarde-moi ces marques de coups, et son bras…

— Ce sont peut-être des blessures post-mortem.

— T’es vraiment optimiste, chef ! Et pour le Heu ?

— Sans doute le lieu du crime. Notre bonhomme n’a pas dû s’amuser à trimballer un corps dans cet état à travers Paris. À mon avis, il l’a emmenée chez lui et il l’a tuée.

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